
Personnification
J’étais pourtant bien belle l’été passé, ronde et rebondie dans ma Haute-Savoie natale. Bien cachée sous le feuillage de mon plant de myrtilles, ils m’ont tout de même dénichée, arrachée avec délicatesse mais sans aucun scrupule. J’ai alors rejoint mes sœurs dans ce seau dans lequel nous étions entassées.

Arrivée chez eux, ils m’ont malmenée, lavée à grande eau, cuisinée, sucrée, mise en bocal. Moi, petite baie toute dodue, je me suis retrouvée écrasée, vidée de mon jus, brûlée à vif. Je reconnais toutefois que j’ai gardé la belle couleur violette qui fait ma réputation.
Ce qui a suivi fut pire encore. Mes amies d’infortune et moi-même avons été stockées dans une cave noire et froide dans cet affreux bocal qui ne laissait pas passer l’air.
Alors, quand ce matin, j’ai senti la fraîcheur de leur cuisine lorsqu’elle a ouvert le bocal, j’ai cru ma délivrance arrivée mais quelle fut ma déception quand je compris que non, elle ne me ramènerait jamais en Haute–Savoie. Jamais je ne reverrai ma montagne.
C’est ici et maintenant que j’allais vivre ma dernière heure, sur sa tartine !
Thérèse